Comment jouer un morceau de musique sans erreurs ?

 

« Anticipe ! » Qui de nous n’a jamais entendu cette injonction ?

Elle va nous donner aujourd’hui l’occasion de faire connaissance avec une fonction discrète et méconnue, et pourtant déterminante : la mémoire auditive à très court terme, ou mémoire échoïque…

 

Il s’agit cette fois de ma propre histoire, et de la raison pour laquelle ce blog est né.

 

Mon histoire

 

Mon parcours musical a été semé d’embûches.

 

Tout ce que je jouais, même après des mois de travail, restait désespérément fragile. Et la propreté inatteignable. Il y avait toujours des scories, un peu partout, imprévisibles, non liées à une difficulté technique particulière. J’étais en permanence sur des œufs.

Impossible de jouer une pièce, même la plus brève ou la plus simple, et même si je l’avais travaillée pendant des mois, sans erreur.

La propreté absolue étant la première – et parfois la seule – qualité exigée en examen et en concours – ce qu’on peut par ailleurs regretter – je peinais évidemment à franchir les étapes de mon parcours musical.

Aucun de mes professeurs n’était capable de comprendre ce qui n’allait pas, et ne pouvait m’aider.

 

J’ai reconsulté des notes prises à l’époque, il y a une dizaine d’années, décrivant mes difficultés et mes sensations, car je les ai en grande partie oubliées depuis que j’ai réglé ce problème.

 

Si on m’arrêtait au milieu d’une phrase que j’étais en train de jouer, j’étais incapable de chanter les dernières notes que j’avais jouées, et j’étais tout aussi incapable de chanter celles qui allaient venir.

Cela allait même plus loin : si j’entendais quelqu’un jouer un morceau, j’avais un sentiment de familiarité, mais étais incapable d’en donner le titre. Et ce, même si j’avais en réalité travaillé cette pièce pendant des mois, ou que je la travaillais actuellement…

 

Lorsqu’un thème – ou même un simple motif – revenait dans le cours de la pièce, transposé ou à l’identique, je ne le reconnaissais pas, peu importe le nombre de fois que j’avais joué cette pièce. Je n’entendais évidemment pas les marches mélodiques ou harmoniques.

 

Au moment de commencer à jouer, je n’avais pas la moindre idée de ce qui allait sortir de mes doigts : mélodie, rythme, je ne savais pas à quoi ressemblait la pièce. Il me fallait une ou deux mesures pour « être dedans » et retrouver un sentiment de familiarité.

 

J’étais dans l’impossibilité d’apprendre par cœur quoi que ce soit. Je me souviens d’une heure de cours où mon pauvre professeur s’était mis en tête de me faire retenir deux petites mesures. Malgré son acharnement et ma bonne volonté pendant une 1/2h, je n’ai pas réussi.

Ma mémoire sur le long terme était aussi affectée. Reprendre une pièce quelques mois plus tard revenait à tout recommencer à zéro.

Par ailleurs si je ne travaillais pas dans les 24h précédant le cours, je perdais 50% des acquis de la semaine.

 

Je n’éprouvais d’ailleurs pas de plaisir particulier à écouter des grandes œuvres du répertoire orchestral, qui me semblaient un fouillis sans queue ni tête. Je n’arrivais pas à entendre les phrases dans leur entier. Et donc impossible de les retenir. Je m’épuisais à essayer de saisir quelque chose.

 

Tout cela était inexplicable. J’avais l’impression d’être face à un mur. La situation semblait sans issue.

 

 

Recherches

 

Ne trouvant d’aide nulle part, et ne comprenant pas ce qui se passait en moi, je me suis mise à lire de façon très large sur tout ce qui pouvait avoir le moindre lien avec l’apprentissage de la Musique, m’intéressant en particulier au fonctionnement et aux disfonctionnements du cerveau. J’étais à l’affût de toute similarité avec les difficultés que j’éprouvais.

 

Je me suis intéressée au processus de la lecture et de son apprentissage. Je me suis intéressée au bégaiement, aux troubles dys (dyslexie, dyspraxie, dysorthographie, dysphasie, etc.). Je me suis intéressée en profondeur au fonctionnement des sens, notamment ceux impliqués dans la musique (ouïe et vue) et de la mémoire. Et aux fonctions motrices : comment le cerveau contrôle-t-il nos gestes ?

 

Au fil des années, j’ai appris beaucoup sur ces sujets et ai rassemblé des éléments épars. Ce blog en est le fruit.

 

A force de tâtonnements, j’ai fini par arriver à la conclusion que mon problème était circonscrit à une fonction très précise du cerveau qui m’était totalement inconnue jusque-là : j’avais un défaut de mémoire auditive à court terme, ou mémoire échoïque. Qui ne se manifestait d’ailleurs que dans ma pratique musicale.

 

 

 

Qu’est-ce que la mémoire échoïque ?

 

 

La mémoire échoïque est l’autre nom de la mémoire auditive à très court terme, elle nous donne la faculté de réentendre en écho tout ce que nous entendons, durant 2 ou 3 secondes.

 

Voici une notion qui doit vous paraître un peu étrange… Elle nous est en fait très familière.

 

C’est en effet la mémoire échoïque qui nous permet de prendre des notes lorsque nous suivons un cours ou une conférence. Un phénomène complexe se met en place : en même temps que nous continuons à suivre le fil du discours, nous notons ce qui a précédé. Car nous l’entendons encore résonner dans nos oreilles. Nous traitons deux tâches à la fois, et sommes ainsi toujours en retard

Cela va parfois si vite que nous en perdons le fil de la phrase ou de l’idée du professeur ou du conférencier. Mais les mots résonnent encore dans nos oreilles et nous pouvons les écrire jusqu’au bout, même sans en comprendre le sens. Nous retrouverons le sens en relisant nos notes.

Si le professeur est avisé et observateur, il saura laisser le temps de finir de noter. Car lorsque nous avons trop de retard, nous dépassons les capacités de notre mémoire échoïque et sommes obligés de lâcher soit le contenu de notre mémoire, soit notre attention sur le discours du professeur en temps réel. D’où les trous blancs que nous laissons parfois dans nos notes…

 

Chacun de nous s’émerveille de la capacité qu’ont les interprètes à traduire en simultané un discours d’une langue dans une autre. Ce qui les oblige à écouter et maintenir en mémoire ce qu’ils entendent dans une langue, tout en traduisant en même temps ce qui a précédé.

 

Mais le même phénomène de mémoire échoïque s’applique aussi à nos propres paroles :

« Bon, on se voit Mardi à 10h !… ….Attends qu’est-ce que j’ai dit ? Mardi ? 10h ?… Non ! C’est mercredi à 11h ! Pardon »

Nous réentendons ce que nous disons, ce qui nous permet de contrôler l’exactitude de notre discours. Mais aussi le timbre de notre voix. Raison pour laquelle les personnes sourdes ont une voix souvent mal timbrée et désagréable, car elles ne s’entendent pas.

 

C’est d’ailleurs tout simplement la mémoire échoïque qui nous permet de comprendre une phrase entière. Ce qui explique que nous soyons parfois perdus dans une phrase trop longue, excédant les capacités de notre mémoire échoïque, premier maillon de la mémoire de travail.

Imaginez : sans mémoire échoïque, chaque mot viendrait effacer le précédent, au lieu de s’accumuler pour construire un sens. Impossible de construire le moindre sens.

J’ai fait un jour cette expérience très étrange. Un jour de très grande fatigue. Les mots entraient par une oreille et sortaient littéralement immédiatement par l’autre. Chaque mot s’effaçait immédiatement au profit du suivant. Et je ne comprenais plus rien à ce qu’on me disait. Je reconnaissais les mots mais je n’arrivais pas à les retenir assez longtemps pour qu’ils puissent faire sens avec les suivants. C’est une sensation vraiment étrange.

 

Ce n’était heureusement qu’une expérience isolée. Mais c’était en fait mon lot quotidien en ce qui concernait la musique.

 

 

 

Diagnostic

 

Je concevais la phrase musicale comme une succession d’instants se succédant les uns aux autres, un à la fois, le suivant ne pouvant être pensé avant le précédent. Alors pour répondre à l’injonction « Anticipe ! », j’essayais de penser plus vite… Le seul résultat que j’obtenais était un stress supplémentaire, qui n’arrangeait rien.

Chaque note qui arrivait chassait immédiatement et complètement le souvenir de la précédente.

 

Mais je faisais une erreur fondamentale. Car ce n’est pas ainsi que fonctionne le cerveau.

 

Il n’y a pas de présent pur pour le cerveau. Chacune de nos perceptions est automatiquement enrichie, colorée, modifiée par l’intervention de notre mémoire. Nous nous méfierons d’un champignon que nous savons vénéneux, et ramasserons celui qui est comestible. Nous ne percevrons pas de la même façon deux personnes : l’une que nous ne connaissons pas, et l’autre que nous aimons – ou détestons. Tout ce que nous avons vécu avec elle influence la façon dont nous la percevons et ce que nous éprouvons en la voyant, pour le meilleur ou pour le pire.

 

« La mémoire, pratiquement inséparable de la perception, intercale le passé dans le présent, contracte aussi dans une intuition unique des moments multiples de la durée »

Bergson, Matière et Mémoire, 1896

 

Il en est de même de la mémoire à très court terme : ce que nous venons de faire, de voir et d’entendre influence la perception que nous avons du présent.

 

Pour revenir à la musique, et au jeu d’un instrument, et pour revenir à mon expérience : sans l’intervention de la mémoire auditive à court terme je ne savais pas ce qui avait précédé ni ce qui allait suivre. Je restais dans l’instant, risquant donc à tout moment de chuter. Raison pour laquelle le résultat était toujours si fragile.

« C’est comme marcher sur une corde et ne voir la portion suivante de la corde qu’une fois que le pied est posé dessus… » (tiré de mes notes à l’époque)

 

Il fallait qu’en même temps que je joue, j’aie simultanément à l’esprit et dans l’oreille la phrase musicale, ou le motif, dans son entier.

 

 

Rééducation de la mémoire échoïque

 

Le plus difficile était de trouver l’origine du problème. Une fois celui-ci posé, la solution apparaissait d’elle-même.

 

Et j’ai conçu une série d’exercices sur mesure pour rééduquer en moi cette fonction. Quoique très simples, ils se sont révélés extrêmement efficaces. En voici un aperçu :

 

  • Jouer un motif, puis l’entendre résonner dans ma tête. Commencer par un motif très court, de quelques notes, puis en élargir l’empan (la taille).
  • Même exercice, mais en jouant une pièce. Je sélectionnais un passage très court, ne dépassant pas au début quelques notes. Je le jouais, m’arrêtais en tenant l’accord sur lequel j’étais arrivée, et m’exerçais à réentendre en écho dans ma tête les quelques notes que je venais de jouer en même temps que je continuais à entendre et à écouter ce que j’étais en train de jouer. Ce qui était au départ très difficile puisque jusque-là une note annulait systématiquement ce qui avait précédé.
  • Ecouter une phrase. Puis la commencer au clavier, sur quelques notes et la finir intérieurement. Vérifier ensuite la justesse du souvenir.
  • Travail au métronome à des pulsations très basses, à la blanche, à la mesure.

 

 

Je faisais parallèlement le même travail avec la parole. Dans les transports en commun j’écoutais des conférences et m’habituais à réentendre en écho dans ma tête les mots qui venaient d’être prononcés, avec leur timbre, leur hauteur, le ton de la voix, tout en continuant à suivre ce qui était dit.

En parlant moi-même, je m’entraînais parfois à réécouter en même temps que je parlais les mots que je venais de prononcer. Ou je prenais le temps avant de commencer à prononcer une phrase de l’entendre déjà tout entière dans ma tête.

 

 

Résultats 

 

En quelques mois mon rapport à la musique s’est totalement transformé.

 

Moi qui avait toujours été visuelle, et ne retenais pas grand-chose si je n’avais pas un support écrit, j’ai découvert peu à peu ce qu’était la mémoire auditive. Mon rapport à la musique était en fait jusque-là essentiellement visuel, et gestuel. Je ne l’ai compris qu’à ce moment-là.

Un monde s’est ouvert à moi. Au point qu’il m’est plus facile de retenir aujourd’hui un discours que j’entends qu’un discours que je lis.

 

Mon jeu s’est rapidement doté d’une propreté et d’une assurance sans commune mesure avec tout ce que j’avais connu jusque-là. J’ai éprouvé en jouant une sensation de facilité jusque-là inconnue.

J’ai découvert ce que signifiait avoir une mémoire auditive. Un nouveau monde s’est ouvert devant moi.

Et, dans un autre registre, ma parole est devenue plus fluide. Je m’exprimais plus facilement.

 

J’utilise encore de temps en temps ces exercices, élargis désormais aux phrases entières, et à la structure de l’œuvre, dans mon travail quotidien.

 

 

La mémoire échoïque pour le musicien

 

La mémoire échoïque, si méconnue, est une fonction pourtant centrale pour le musicien.

Ses implications sont très nombreuses.

 

Elle joue un rôle déterminant pour la dictée musicale. En effet, comment voulez-vous prendre en note quoi que ce soit si les notes s’effacent au fur et à mesure que vous les entendez ?

Elle est un soutien pour la justesse de la voix chantée sans accompagnement

Elle nous permet de percevoir et de maintenir intérieurement une pulsation régulière. Elle nous permet de percevoir les carrures, ainsi que, plus largement la structure et de la forme de la pièce interprétée.

Elle joue un rôle non négligeable dans la musicalité d’un interprète. Gérer un long crescendo progressif par exemple implique nécessairement d’en garder en mémoire les étapes. Et d’avoir à l’avance une idée du point d’arrivée, qui doit être présent à la conscience dès le départ.

 

Le professeur doit également être conscient de l’empan limité de la mémoire échoïque, et en tenir compte pour ses cours : s’il donne un exemple, celui-ci doit être suffisamment court et être suivi immédiatement par la mise en œuvre de l’élève, tant qu’il a encore l’exemple dans l’oreille.

 

Tous ces points feront l’objet d’un second article plus détaillé, à suivre prochainement.

 

 

La mémoire des gestes à très court terme

 

 

Ecartons-nous maintenant un instant de la mémoire échoïque et élargissons un peu notre propos.

 

Il existe en réalité une mémoire sensorielle à très court terme pour chacun de nos sens.

Pour la vue, on l’appelle mémoire iconique. Beaucoup plus brève que la mémoire échoïque (dont l’empan est, rappelez-vous, de deux ou trois secondes), elle vous permet en fermant les yeux d’avoir encore devant vous l’image que vous venez de voir un fugitif instant (quelques dixièmes de seconde). Faites l’expérience. Notre univers visuel subsiste un fugitif instant avant de s’évanouir, tel un arrêt sur image au moment où l’on éteint la télévision.

 

Le même phénomène existe aussi pour les gestes que nous faisons. Ce qui nous intéresse aussi particulièrement, nous musiciens.

La preuve de l’existence de cette mémoire des gestes à très court terme, nous est donnée par l’expérience des personnes sourdes, qui s’expriment en langage des signes. Rappelez-vous l’exemple donné plus haut : nous réentendons ce que nous disons, ce qui nous permet de nous corriger lorsque nous avons dit quelque chose de faux. Il se passe exactement le même phénomène pour les personnes sourdes avec les gestes qu’elles font pour s’exprimer.

 

Prenons-en pour preuve le témoignage fascinant d’Helen Keller, née en 1880 sourde, aveugle et muette. A l’âge de 7 ans, alors qu’elle n’avait eu accès à aucune forme de langage jusque-là, sa nouvelle institutrice, miss Sullivan, lui fait découvrir que chaque chose porte un nom, en lui épelant dans la main chaque mot dans un alphabet manuel, en lui faisant toucher la chose de l’autre main. Découverte fabuleuse qui lui donne accès au langage.

 

« La manière dont miss Keller converse au moyen de l’alphabet manuel ne laisse pas que d’intriguer beaucoup de gens. Il en est qui la connaissent bien et qui ont cependant parlé dans les magazines des « mystérieuses communications télégraphiques » entre miss Sullivan et son élève.

L’alphabet manuel dont elles se servent est celui en usage chez tous les aveugles instruits ; la plupart des dictionnaires contiennent le dessin de ces symboles. Le muet qui jouit du sens de la vue regarde les doigts de son interlocuteur ; mais il est possible aussi d’en suivre le mouvement par le toucher.

Miss Keller pose légèrement ses doigts sur la main de la personne qui lui parle et lit ainsi les mots aussi rapidement qu’ils sont épelés. Comme elle l’explique elle-même, elle ne perçoit pas les lettres et les mots indépendamment les uns des autres. Miss Sullivan et toutes les personnes qui vivent avec des muets, épellent très rapidement, assez vite pour suivre une conférence, mais trop lentement, cependant, pour rendre intégralement le discours d’un orateur rapide. »

 

Il est intéressant de constater au passage qu’Helen Keller perçoit les mots voire des ensembles de mots comme un tout, de même que nous finissons par lire les mots globalement (après une étape indispensable de déchiffrage syllabique), ou que nous entendons un mot entier et pas une suite de phonèmes… Il en est de même en réalité pour la musique, nous aurons l’occasion d’en discuter.

 

Mais le passage le plus intéressant en ce qui nous concerne se trouve deux pages plus loin :

 

« Il y a dit-on une mémoire du toucher, comme il y a une mémoire de l’œil et de l’oreille. Miss Sullivan déclare que son élève et elle se souviennent « dans leur doigts » de ce qu’elles ont dit. »

(in Helen Keller, Sourde, muette, aveugle, histoire de ma vie. 2001, éd Payot & Rivages, p. 260-262)

 

La vue ne pouvant absolument pas intervenir dans cette mémoire, puisqu’Helen Keller est aveugle en plus d’être sourde, il s’agit d’une mémoire à court terme purement gestuelle, ce qui rend ce témoignage particulièrement précieux.

 

 

Perception en trois dimensions

 

Cette espèce de temps de latence induit par cette mémoire à court terme nous donne des repères dans l’espace. Aux sensations présentes se superposent en même temps les sensations tout juste passées qui restent encore présentes.

Ce phénomène enrichit notre perception globale, de même que notre vision binoculaire nous permet de voir le monde en trois dimensions. Le mélange des images captées par notre œil droit et notre œil gauche nous permet en effet de rétablir le volume des choses qui nous entourent.

La mémoire auditive ou gestuelle à très court terme provoque un effet similaire, les sensations tout juste perçues et encore en mémoire modifient et enrichissent notre perception présente, et lui donnent de la profondeur, du volume, du sens.

 

Chaque geste contient le souvenir de ceux qui l’ont précédé. Mais l’inverse devrait être également vrai, comme pour la mémoire auditive.

Chaque geste devrait contenir déjà en puissance le déplacement à suivre. Et nous retrouvons ici la notion d’empreinte de l’article précédent de ce blog.

 

« La position où je me tiens est comme préformée de l’acte à accomplir »

Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889

 

« C’est encore cette préformation des mouvements qui suivent dans les mouvements qui précèdent, préformation qui fait que la partie contient virtuellement le tout, comme il arrive lorsque chaque note d’une mélodie apprise, par exemple reste penchée sur la suivante pour en surveiller l’exécution »

Bergson, Matière et Mémoire, 1896

 

« Chacun des éléments ainsi constitué contient (…) quelque chose de ce qui le précède et aussi de ce qui le suit »

Bergson, Matière et Mémoire, 1896

 

 

Après cette digression sur la mémoire gestuelle, revenons pour conclure au sujet principal de cet article : la mémoire échoïque.

 

 

Conclusion

 

Anticiper ?

Cette mémoire échoïque, les musiciens lui donnent un joli nom : l’oreille intérieure…

La façon dont nous écoutons intérieurement en temps réel la pièce que nous jouons et travaillons est déterminante pour son exécution et son interprétation.

Notre oreille intérieure guide nos doigts

Le discours intérieur ne se juxtapose pas mais se superpose à ce que nous jouons. La musique qui va jaillir de nos doigts est déjà présente intérieurement.

Parfois une difficulté technique rompt notre écoute intérieure. Rétablir la continuité de cette écoute permet de rétablir la fluidité du discours, et, curieusement, suffit parfois à surmonter la difficulté du passage en question.

 

Musiciens, apprenons donc à écouter et suivre notre oreille intérieure…

 

 

 

 

 

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19 commentaires sur “Comment jouer un morceau de musique sans erreurs ?

  1. Merci Anne-Isabelle,
    Je me retrouve dans ton témoignage et cela me fait comprendre ce qui m’empêche de progresser.
    Mon professeur me parlait aussi d’anticiper, mais ton explication permet de comprendre pourquoi cela est bénéfique.
    Tes exercices pourraient m’aider à m’améliorer.

  2. MERCI à toi pour ce si beau témoignage ..
    il y a le prof qui apprend à l’élève, et celui qui comprend ce qu’il doit apprendre à son élève et comment il doit le faire…en dehors des affirmations aussi stressantes qu’insuffisantes…”anticipe !!”
    je prends ta recherche et ton expérience comme un véritable cadeau offert à tous ceux qui connaissent ce genre de difficultés…bien chanceux sont tes élèves…
    et il y en aurait également à dire sur l’émotivité qui pénalise lourdement les instrumentistes..
    à très bientôt de te lire à nouveau sur ce blog…avant de nous revoir autour de l’instrument ?

  3. Merci pour ce travail de recherche qui me redonne espoir puisque je suis allé de la facilité à la difficulté immense suite à un problème au cerveau. Je comprends maintenant ce qui a été touché et que ceci n’est pas définitif que tout est possible méthodiquement… je vais dès aujourd’hui appliquer votre méthode pour rééduquer mon cerveau et retrouver le don initial qui me permettait une improvisation avec des variations et évolutions thématiques qui aujourd’hui sont devenues laborieuses…

  4. Très intéressantes, vos recherches sur la mémoire échoïque, et surtout, le trajet opiniâtre que vous avez du parcourir pour en arriver à jouer Bach ou Guilmant. Bravo ! Ne rien lâcher, c’est le secret. Et travailler seule, sans relâche. Vous n’avez pas dû être comprise, j’imagine…

    Très intéressant, le fait de travailler avec un métronome à basse fréquence. On m’a toujours dit que la vitesse n’est pas un problème en musique, mais il faut que les bases soient fermes. Ce qui est lent s’inscrit dans la durée, en musique comme ailleurs.

    Me revient en tête une réflexion de Jean Guillou, dans le long commentaire de son coffret Bach, je crois, où il dit qu’il faut toujours exactement savoir quelle note on joue, et comment on la joue, ainsi que sa place dans le déroulement de l’oeuvre et qu’à partir de là, on peut interpréter.

    Il y a bien des blocages possibles dans l’apprentissage de la musique, moi, c’était la partition, je suis incapable de lire vite et de transmettre aux mains. par contre, quand mes mains ont réussi quelque chose, elles s’en souviennent, mais si je regarde la partition, c’est à nouveau perdu. Mon métier qui est un métier du toucher (mais pas l’orgue, c’est désespéré) confirme cela, car mes doigts savent exactement quoi faire et vont où ils doivent, sans qu’il soit nécessaire de formuler au cerveau. Lui, il vient après.

    On peut en conclure sans doute que toutes ces configurations humaines viennent empêcher l’apprentissage de la musique par un plus grand nombre et que les enseignants n’y sont pas préparés. Ils ne forment au fond que ceux et celles qui sont déjà musiciens, nés musiciens, mais pas ceux qui doivent franchir des obstacles pour libérer leur talent musical. ce que vous avez fait, avec talent, et je suis heureux de vous suivre sur votre chaîne.

    1. Merci beaucoup pour votre commentaire.
      De fait, les musiciens qui deviennent professionnels et enseignent n’ont généralement pas traversé ce genre de difficultés, sinon ils auraient abandonné et choisi une autre voie. Ce qui fait qu’ils se trouvent forcément démunis face à ce type de problème, et n’ont pas toujours les outils nécessaires pour aider leurs élèves. J’ai mis un peu de temps à comprendre cela.
      Le rapport à la partition et la question de la lecture est effectivement également essentiel dans notre pratique musicale, il y a bien des choses que nous pouvons faire pour la rendre plus efficace et intuitive. Mais c’est un sujet complexe. Je comptais explorer cette thématique dans des articles à venir, ou via la page Facebook que je suis en train de mettre en place pour ce blog.

  5. Merci, Anne-Isabelle, je me reconnais dans ce que tu décris, je me crois non-mélomane, en fait, c’est un brouillard pour moi ! Pas éduquée, “c’est du bruit”, me disait-on ! Je vais essayer de décon finer ma mémoire échoïque ! Je t’embrasse, petite-cousine !

    1. Merci chère Hélène pour ton commentaire ! Je suis ravie que mon expérience puisse te donner quelques pistes ! A bientôt j’espère

  6. A fantastic read Anne-Isabelle. I can relate to all of these issues you have encountered. How frustrating it has been trying to find a solution that works. I have too have been exploring for many years, I have been through many course and ear training to try and improve. I found Kodály method particularly promising. However, when faced with difficult ear tests, such in in organ diplomas, despite being a competent player I feel that I have not the ability those 20 yrs younger than me. This has always made feel like an inferior musician. Thank you for this research, I know now that I am not the only one who has faced these issues. You give much hope.

    1. Thanks ! Yes, it was very frustrating… and it is such a relief to get rid of this issue !
      I have heard about the Kodaly Method, I will try and learn about it, it seems interesting. How did you read my article ? Do you understand french, or is there an automatic translation ?

      1. Thank you Anne-Isabelle for your reply. Do look into Kodaly. Advanced Kodaly enables you to use your inner ear sing in canon with yourself or to think in two parts by using Curwen’s Solfege hand signs independently of the voice. A moveable “Doh” rather than fixed makes it easier to apply to modulations and all keys and also lets you “feel” the function of each pitch within the tonality. I have found it particularly useful in applying to part writing in Bach Trio Sonatas but, of course, it helps in all situations.
        I’m afraid I read an automatic translation, I wish my French was so fluent! Are there any plans for your Widor book to be translated to English?…maybe I need the challenge to read it in French.

  7. Merci beaucoup pour ce texte, je reconnais là ma difficulté persistante… que je mets sur le compte du manque de travail, ou du travail mal conduit. Votre analyse permet une nouvelle ouverture, et de nouveaux espoirs de travail raisonné.

    1. Merci pour votre commentaire et votre témoignage. Oui, comprendre mieux comment nous jouons permet de trouver de nouvelles pistes de travail et des solutions.

  8. 1. Merci pour cet intéresant concert du 07/11/21 à Cherbourg sur les orgues de la Basilique de la Trinité. Il m’a permis de découvrir des compositeurs et compositrice.
    2. Très intéressé par votre travail sur la mémoire échoïque. Ne concerne-t-elle que les musiciens?
    Y a-t-il des travaux de neurophysiologie sur ce thème? De nouvelles stratégies d’apprentissage de la musique?….
    Mille mercis pour le choix et la couleur des jeux. J’ai découvert un autre orgue…

  9. Merci, Anne-Isabelle. C’est très intéressant. Comme vous avez vu, sans doute, je suis suiveur votre chaine sur YouTube, et comme organiste moi-meme, j’adore votre interpretations de beaucoup de genres. Cependant, du début, car vous jouez avec un tel sentiment et avec tant d’émotion que c’est presque mystique, je pensais qu’il y a une histoire, ou, comme nous disons en anglais, ‘a back-story’. Maintentant je comprends. Quand j’étais plus jeune, une amie m’a dit qu’on ne peut pas jouer du piano ou de l’orgue sans avoir été amoreux, et quand je t’écoute, je comprends ce que tu as trouvé avec la musique de l’orgue, tout au long de votre parcours difficile. Merci d’avoir partagé votre histoire.

  10. Bonjour Anne-Isabelle
    Je découvre votre blog; à partir d’une recherche sur l’apprentissage, la mémorisation des morceaux de musiques et leur assimilation de manière “sécurisée”, j’ai trouvé votre article sur la proprioception; vos articles sont passionnants. Votre courage, votre détermination à ne pas se résigner, sont exemplaires.
    Vous nous enseignez que malgré quelques “handicaps”, en tout cas perçus comme tels par le musicien, il est possible de trouver ses propres méthodes de travail , capables de nous faire dépasser nos difficultés ; c’est très porteur d’espoir…
    Je suis musicien de Jazz; improviser tout en restant bien dans la carrure du morceau m’est difficile; je le perçois comme un handicap et même une honte , par rapports aux nombreux musiciens pour qui ça semble inné.
    Depuis plus d’un an, j’ai changé mes méthodes de travail; improviser sur des phrases très simples, bien pensées, bien placées, anticipées, ; le travail de l’instrument (saxophone) en pleine conscience me permet de mieux mémoriser les thèmes, de prendre conscience des crispations parasite causes de douleurs parfois; l’article d’Antoine Hervé, sur l’ “éloge de la lenteur” m’a bien aidé également.
    Les résultats se font sentir…les progrès sont là . Votre blog m’encourage à persister dans cette voie..
    Merci

    1. Bonjour Marc,
      Merci pour votre message et pour votre témoignage très intéressant.
      Bravo pour votre persévérance. Et vous avez raison de vous créer vos propres exercices pour surmonter vos difficultés.
      « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »… je pense que La Fontaine avait raison en nous encourageant à persévérer sur la durée, sans nous lasser.
      Bonne continuation dans votre parcours musical !

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